Alexis le Trotteur ou la mort du « Cheval du Nord »
Aujourd’hui considéré comme un personnage du folklore québécois, Alexis Lapointe dit le Trotteur a suscité, de son vivant, autant l’émerveillement que les moqueries. Son statut de légende ne s’est consolidé qu’après sa mort, dont plusieurs ignorent qu’elle a été aussi accidentelle que tragique.
Alexis Lapointe voit le jour le 4 juin 1860 à Clermont, dans la région de Charlevoix. Enfant différent et original, il est particulièrement obnubilé par les chevaux auxquels il s’identifie. Son passe-temps favori consiste à fabriquer des chevaux de bois qu’il s’amuse à faire courir. Adolescent, il hennit comme un cheval, se fouette fréquemment pour tonifier ses muscles et parcourt souvent de longues distances pour améliorer ses capacités physiques hors du commun. Sa famille accepte mal ses nombreuses excentricités. Comme il ne reste que très peu de temps sur les bancs d’école, il gagne sa vie, par la suite, comme homme à tout faire et comme constructeur de fours à pain. À 18 ans, il quitte sa famille et se met à sillonner les routes de Charlevoix, du Saguenay et du Lac-Saint-Jean ainsi que de la vallée de la Matapédia en se prenant pour un cheval. Peu à peu, sa légende prend vie.

Indéniablement doté de qualités athlétiques exceptionnelles, il court régulièrement contre des chevaux, des chiens et même des cochons. Il se mesure également à des automobiles, à des bateaux et à des trains, ce qui étend sa renommée. En vieillissant, Alexis court beaucoup moins et il gagne sa vie en travaillant sur différents chantiers en tant qu’ouvrier. Ses exploits se faisant plus rares, sa notoriété s’affaiblit. Le 12 janvier 1924, alors qu’il travaille sur le chantier de construction du barrage de L’Isle-Maligne à Alma, il meurt happé par le wagon d’un train en mouvement. Plusieurs hypothèses sont alors soulevées pour expliquer les circonstances de sa mort. A-t-il trébuché en essayant de distancer le train? S’est-il suicidé en raison de ses capacités physiques déclinantes? Il semble pourtant que son décès ne soit qu’un tragique accident de travail.
BAnQ Saguenay possède d’ailleurs l’enquête menée par le coroner Jules Constantin de Roberval. Ce dernier conclut : « […] que le dit Alexis Lapointe, 64 ans, journalier à l’emploi de la Quebec Development Co. est mort tué par un train lui ayant passé sur le corps; sur un pont traversant le bras sud de la Grande-Décharge le 12 janvier 1924. La mort est due à l’imprudence de la victime et aucun blâme ne peut être attribué à la Quebec Development Co. »

L’ironie du sort veut que sa mort ait été causée par l’engin qui a contribué à sa renommée.
Fait intéressant, dans le dossier du coroner, une lettre datée du 9 mai 1951 provenant du Département du Procureur général de la Province de Québec indique que les effets personnels trouvés sur Alexis Lapointe lors de son décès ont été remis à l’abbé Victor Tremblay, fondateur de la Société historique du Saguenay et du Musée saguenéen. Les objets en question sont une montre avec sa chaîne en or ainsi que des pièces de monnaie totalisant 2,50 $ en argent. La lettre précise qu’ « […] ils figureraient comme des pièces intéressantes et contribueraient à rappeler le souvenir de ce disparu qui fut un personnage de type régional et vraiment unique ». Ainsi, le mythe du Trotteur avait déjà pris vie. Par ailleurs, le Musée saguenéen, maintenant connu sous le nom de Musée de La Pulperie, détient encore ces objets.


Myriam Gilbert, archiviste-coordonatrice – BAnQ Saguenay
Quel personnage ! Bel article !
Intéressant
Belle initiative Myriam, c’est un personnage qui a marqué notre « petite » histoire. Faut en être fier et lui adresser une petite pensée… vers le ciel!
Je vois une pièce de 1936, bizarre sur une dépouille de 1924. y a t-il une explication?
Si le Trotteur est décédé en 1924, pourquoi plusieurs pièces de monnaies lui ayant prétendument appartenu son t’elle datée après sa mort. Nous en avons une entre autre datant de 1926 et une autre de 1936!!!! Pouvez vous m’éclairer?
Effectivement messieurs Morin et Rousseau, je n’avais pas remarqué ce détail très important sur les photos… Je vais m’informer au Musée de la Pulperie afin d’avoir plus de détails mais de prime abord, il semblerait que des pièces n’ayant aucun rapport avec le Trotteur puisque postérieures à son décès aient été remises à Mgr Victor Tremblay en 1951, pour une raison inconnue. Je vous reviens dès que j’en sais plus. Merci pour vos commentaires!
J’ai la réponse: « Back to the futur » 😉
Alors concernant les fameuses pièces de monnaies anachroniques, j’ai parlé avec la responsable au musée, qui est incapable d’expliquer pourquoi elles se retrouvent là… L’information qu’elle détient est que ces pièces remises à Mgr Tremblay en 1951 ont été données au Musée régional en 1975. Est-ce les bonnes pièces qui ont été remises? Personne ne le sait et cela suscite bon nombre de question. La responsable m’a assuré qu’elle fera le nécessaire pour ces intrigantes pièces de monnaies. Malheureusement le mystère reste entier, ça en fait donc un de plus à ajouter à l’histoire régionale!
Saviez-vous que certains objets ons été voler au musée de Chicoutimi. mais retrouver peux de temps après !!!!
Bonjour Karine! Savez-vous vers quelle année ce vol s’est produit?
Est-ce possible que l’abbé est donné les mauvaises pièces ou mélangé avec d’autres?
Merci beaucoup, je m’intéresse à l’histoire des anciens du Québec et de l’Acadie