Avez-vous un permis?
Si les voyages sur le continent nord-américain et la traite des fourrures vous intéressent, la série TL4,S34 contient quelque 1000 congés et permissions accordés par le gouverneur entre 1721 à 1752 et disponibles sur le site de BAnQ. Ce sont des autorisations qui permettent à des individus d’équiper des canots pour aller commercer avec des Amérindiens à un poste dans l’arrière-pays, ou pour faire de la prospection et des explorations au nom du roi.
En 1696, le roi de France supprime les congés, d’une part à cause de l’effondrement des marchés en France et, d’autre part, parce que les colons français se sont «abandonnés au libertinage, à la débauche, [et] à toutes sortes de désordres et de crimes»; en 1716, la pratique est rétablie.
Dans ce document exceptionnel, Hertel de Cournoyer s’engage à transporter et à mettre ses engagés au service du père Pierre-François-Xavier de Charlevoix (1682-1761) mandaté par le régent Philippe, duc d’Orléans pour localiser la Mer de l’Ouest qui ouvrirait la voie vers les contrées de l’Orient.
Ce texte est particulièrement intéressant parce qu’il fait référence à trois aspects au cœur de l’histoire de la Nouvelle-France soit la traite des fourrures entre les coureurs des bois et les Amérindiens, les voyages des explorateurs sur le continent nord-américain et la présence des communautés religieuses dans leur tentative de convertir les Sauvages en Amérique.
Nous pouvons voir sur cette carte les postes de traite les plus fréquentés par les voyageurs : Détroit et Michillimakinac au Michigan, la Baie-des-Puants et Chagouamigon au Wisconsin, Michipicoton et Kaministiquia en Ontario, le poste des Miamis en Indiana et celui de la Rivière au Bœuf en Pennsylvanie. Ils se rendaient même parfois jusqu’au Lac Ouinipigon et au poste du Fort La Reine au Manitoba.
Le nombre d’engagés par canot varie, mais la plupart des congés mentionnent leurs noms, prénoms et lieux d’origine. Ces hommes sont surtout originaires de Montréal et des villages avoisinants comme Soulanges, Île-Perrot, Châteauguay, Rivière-des-Prairies, ainsi que de localités des rives sud et nord : Laprairie, Contrecœur, Boucherville, Maskinongé, Lavaltrie, Berthier. Ils partent pour une période maximale de 18 mois et la date de leur départ de Montréal est parfois mentionnée.
En plus de nous indiquer les lieux de traite et l’identité des voyageurs, cette série nous fait découvrir le courage de quelques femmes parties pour le long voyage vers l’Ouest avec leurs enfants. On pense à Marie-Anne Tetard de Forville, épouse de Joseph Lefebvre, installée au poste des Miamis avec ses enfants (TL4, S34, P38); à Barbe De Montmegnier et son époux François Lacroix, de la Côte de Beaupré, partis s’installer aux Illinois avec leurs cinq enfants (TL4, S34, P92).
Ci-dessus, le permis accordé à une toute jeune mère, Marguerite Lalande l’épouse de Nicolas Ladouceur qui s’est installé dans l’Ouest. Elle gère leur commerce de traite à partir de Montréal, engage des voyageurs, emprunte des fonds, signe des conventions. Le gouverneur Rigaud de Vaudreuil lui permet de se rendre au poste des Miamis et Ouyatanons avec un canot et quatre hommes. Le document n’indique pas si son nourrisson, Marie-Josèphe, et sa fille d’un an Marie-Thérèse, font partie du voyage.
Ainsi, ces congés de traite homologués sont riches d’informations pour qui s’intéresse à l’étude de la traite des fourrures au 18e siècle, alors que les historiens de la famille pourront peut-être y retracer un ancêtre.
Denyse Beaugrand-Champagne, archiviste – BAnQ Vieux-Montréal
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