Un déménagement inhabituel ! La translation des restes du cimetière Saint-Antoine vers le cimetière Notre-Dame-des-Neiges (1854-1871)
Porter quelqu’un à son dernier repos. Cette locution s’appuie sur l’idée que le défunt, lorsque mené à sa sépulture, ne la quittera jamais. Du moins, pas par ses propres moyens ! L’histoire des grandes villes a souvent contredit cette croyance, notamment avec la fermeture de cimetières et leur reconversion en parcs. C’est ainsi que plusieurs parcs publics ont vu le jour en Amérique du Nord comme le Madison Square Park à New York ou encore le New Mission Park à San Francisco. Montréal est au nombre de ces villes avec le square Dominion construit entre 1872 et 1880 (maintenant square Dorchester).
Ce parc est aménagé sur le terrain du cimetière Saint-Antoine qui dessert la ville de 1799 à 1854. Ce cimetière n’est pas le premier de Montréal. Il y a d’abord eu celui de la Pointe-à-Callières, puis celui de l’église Notre-Dame (angle des rues Saint-Pierre et Saint-Jacques); le premier était situé hors les murs de la ville, puis le second intra-muros.

En 1795, les autorités montréalaises décident, pour des soucis sanitaires, de ne plus permettre le développement de cimetières à l’intérieur de la ville. En décembre 1799, la Fabrique de la paroisse Notre-Dame décide donc d’acquérir un terrain de quatre arpents hors des murs appartenant à Pierre Guy. C’est à partir de ce site que le cimetière Saint-Antoine est créé.

La croissance de la ville rattrape vite ce cimetière; les craintes d’épidémies et les ambitions foncières poussent les autorités en 1853 à ne plus permettre son agrandissement. Une fois de plus, la Fabrique se voit prier de chercher ailleurs un emplacement moins dérangeant. Cette fois, on choisit un site situé à la campagne et pratiquement inaccessible, propriété du docteur Pierre Beaubien.

Avec la fermeture du cimetière Saint-Antoine, on pense pouvoir récupérer l’espace pour le développement de la ville. Le terrain est même divisé en lots. Ce qui est certain, par contre, c’est que les ambitions des promotteurs immobiliers sont abandonnées avec l’acquisition du terrain de cet ancien cimetière par la ville de Montréal en 1871. Les lots déterminés en 1868, par l’arpenteur Henri Maurice Perrault, ne sont donc pas vendus.

Nous savons que plusieurs translations de restes du cimetière Saint-Antoine vers le nouveau cimetière sont effectuées entre 1854 et 1871. Le nombre exact est toutefois inconnu. Mais qui sont les individus qui ont bénéficié de ce déménagement inhabituel ? Les informations à ce sujet sont rares.

La base de données du cimetière Notre-Dame-des-Neiges sur Ancestry Library Edition, disponible à BAnQ, permet néanmoins d’identifier plusieurs individus tous décédés avant 1854:
- John McNamara Hayes, décédé vers 1817
- Helen Dickson, décédée vers 1820
- Aimé Comte, décédé vers 1821
- Aline Byette, décédée vers 1827
- John McCormank, décédé vers 1828
- Andrew Skeine McDonald, décédé vers 1836
- Anthony Walsh, décédé vers 1839
- Adolphe Sanders, décédé vers 1842
- Alphonse Filiatrault, décédé vers 1843
- Angélique Moreau, décédée vers 1843
- Esther Longpré, décédée vers 1845
- Bernard Lemaire St-Germain, décédé vers 1844
- Tardif, décédé vers 1844
- Jacob Wurtele, décédé vers 1844
- Rose De Lima Benoit, décédée vers 1846
- Adélaïde Letourneux, décédé vers 1846
- Daniel McLaughlin, décédé vers 1846
- Appoline Curot, décédé vers 1849
- Mathilde McGill, décédée vers 1849
- Ann Jane Hawkins, décédé vers 1850
On remarque peu de noms francophones dans cette liste, sans doute parce que le transfert d’une sépulture implique des frais qui ne sont pas à la portée de tous. N’oublions pas que seules les familles disposées à acheter un lot à ce nouveau cimetière pouvaient installer une pierre tombale pour identifier le défunt. Dans le cas contraire, les sépultures sont simplement enfouies dans une fosse commune. Pour le défunt, c’est donc l’anonymat après un repos perturbé par la modernité!
Denis Boudreau, bibliothécaire – BAnQ Vieux-Montréal
Pour en savoir plus
Base de données
- « Web : Montréal, Québec, Notre-Dame-des-Neiges Cemetery Index, 1849-2012 », dans Ancestry Library Edition, en ligne : http://search.ancestrylibrary.com/search/db.aspx?dbid=70602 [consulté le 26 octobre 2015]
Fonds d’archives
- Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Montréal. Greffes d’arpenteurs. Henri-Maurice Perrault. Plans d’arpentage. BAnQ Vieux-Montréal (CA601, S53, SS1).
Livres et articles de journaux
- Cardinal, François. « 40 000 morts au centre-ville. Des archéologues fouillent un ancien cimetière, square Dorchester », Le Devoir, samedi 29 septembre 2001, p. A1. Consulté dans Eureca.cc en ligne : http://ici.radio-canada.ca/regions/montreal/2014/06/30/002-fouilles-archeologiques-cimetiere-montreal-place-du-canada.shtml [consulté le 16 septembre 2015]
- Houde-Roy, Laurence. « Les cimetières aussi peuvent mourir », Metro, mise à jour le 10 juillet 2014, en ligne : http://journalmetro.com/actualites/montreal/523440/les-cimetieres-aussi-peuvent-mourir/ [consulté le 15 septembre 2015]
Portail de la ville de Montréal
- « La ville de Montréal et la fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal concluent une entente sur la réinhumation, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, des sépultures de deux anciens cimetières catholiques », en ligne : http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=2240,86895604&_dad=portal&_schema=PORTAL [consulté le 15 septembre 2015]
- « Centre d’histoire de Montréal. Thématique 41. Les cimetières de la ville. », en ligne : http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=2497,3090555&_dad=portal&_schema=PORTAL
Beau travail de recherche, bravo!.